Séjour en thalasso… Quand on prononce devant vous cette expression, vous pensez aussitôt à votre vieille tante en peignoir
blanc en train de patienter pour son bain de boues dans un long couloir blanc que ne renierait pas un hôpital des années 1960 ?
Apparemment, vous êtes en train de passer à côté de l’une des activités les plus dynamiques du bien-être.

La thalasso est une tradition médicale issue du XIXe siècle ayant essaimé le long des côtes françaises au XXe siècle. C’est aussi et surtout une activité de bien-être résiliente, capable de s’adapter, de se renouveler et de mettre les vertus de l’eau de mer au service des clients.

Trois révolutions dans le secteur de la thalasso

La thalassothérapie a dû faire face il y a quelques années à trois révolutions qui ont donné à penser à certains que le secteur était irrémédiablement fragilisé.

  • 1. Le développement d’une concurrence bon marché au Maghreb. La Tunisie et le Maroc, notamment, ont su capitaliser sur un coût de main-d’oeuvre faible, sur un climat attractif et sur le développement des vols low cost pour proposer une offre très attractive pour la clientèle française (laquelle représentait en 2017 96 % des curistes des centres de thalassothérapie français). Ironie de l’histoire, le personnel tunisien et marocain a bien souvent été formé par les experts des centres de thalassothérapie français ;
  • 2. Comme pour l’hôtellerie traditionnelle, le secteur a vu se développer des plateformes numériques (Thalasso Passion, Thalasseo, etc.) qui ont rapidement pris du poids dans la distribution des séjours en thalassothérapie. Elles représenteraient désormais, pour certains établissements, de 30 % à 40 % de l’activité. À l’instar de l’hôtellerie, le recours à ces plateformes induit une pression tarifaire tandis que les commissions prélevées pèsent sur le modèle économique des professionnels ; 
  • 3. Le développement, à la fin des années 1990 et au début des années 2000, de la balnéothérapie et des spas. Ces produits proposent une offre davantage orientée vers le bien-être, avec un packaging approfondi, plus dans l’air du temps. Cette offre profite d’un avantage concurrentiel notable : des contraintes techniques moins complexes et moins coûteuses que celles de la thalassothérapie qui pèsent sur les tarifs et obligent les thalassos à vendre leur offre plus chère. Ces révolutions, associées à un positionnement plus flou de l’offre à la fin des années 90 ainsi qu’au début des années 2000, et à des instituts ayant, pour certains, vieilli et manqué de réinvestissements, ont porté un rude coup à la thalassothérapie. Les choses s’annonçaient donc difficiles et quelques acteurs songeaient même à se désengager du secteur.

Repositionnement dans le secteur de la thalasso

Mais le secteur a une réelle capacité de résilience. Une partie des professionnels a senti tout le potentiel qu’il y avait à faire évoluer la thalasso pour répondre aux besoins d’une société confrontée à un environnement particulièrement anxiogène – crise économique, incertitude sur l’emploi, sensations d’accélération du temps, attentats, militaires en arme patrouillant dans les villes, etc. – qui fait que les consommateurs ont rarement eu autant besoin de se ressourcer et de se faire plaisir. Ce potentiel est accru par l’émergence de la notion de capital santé et par le désir de vieillir en forme. Le contexte était porteur d’opportunités que certains acteurs ont su saisir.

Ces centres ont tout d’abord réinvesti dans les structures : les rénovations d’envergure se sont multipliées. Arcachon, Arzon, Carnac, Châtelaillon-Plage, Deauville, Dinard, les Sables-d’Olonne, Saint-Jean-de-Luz, Saint-Malo et bien d’autres ont été rénovés au cours des dix dernières années, et le phénomène perdure. Le réinvestissement régulier est devenu la norme, avec à la clé des produits plus performants, en adéquation avec les goûts actuels de la clientèle. Finis les couloirs d’hôpitaux de votre vieille tante qui, au passage, avaient déjà commencé à disparaître. Les rénovations sont désormais ambitieuses et on y retrouve des noms connus en matière d’architecture d’intérieur. Les instituts de thalasso rénovés ces dernières années proposent des ambiances d’une grande qualité, où l’esthétique médicale s’efface au profit d’une atmosphère propice au cocooning, à la détente et au retour sur soi. La thalassothérapie a investi massivement l’univers du bien-être et s’en est approprié les codes.

Si la thalassothérapie est désormais très présente dans l’univers du bien-être, elle a également réinvesti, avec une grande finesse, le champ de la santé. Elle ne table plus seulement sur la dimension curative, mais elle se positionne sur la dimension préventive. Les thèmes très contemporains de la préservation du capital santé, de la gestion du stress, de l’équilibre du corps, etc., sont désormais au coeur des programmes de cures. À côté des traditionnelles cures minceur et pré- et postnatales, on trouve par exemple des cures « secrets de longévité », « check-up équilibre et santé » ou « antiâge » chez Thalassa Sea & Spa (groupe Accor) et Thalazur ; une gamme de cures dédiées à la santé, dont « digestion et détox », chez Relais Thalasso ; des cures sobrement intitulées « no stress » ou « santé » chez Valdys ou Côté Thalasso ; la cure « mer et capital santé » aux thermes de Saint-Malo.

Si l’orientation santé est soft et toujours associée au bien-être et au plaisir, les établissements n’en surfent pas moins sur le désir des Français de prendre soin d’eux-mêmes, de leur santé et de leur envie de bien vieillir. Notons au passage que les centres capitalisent sur ce qui les différencie et leur donne un statut à part : les bienfaits scientifiquement reconnus de l’eau de mer. Le secteur a encore renforcé ce positionnement stratégique par une démarche de normalisation qui a abouti à la création d’une norme expérimentale Afnor spécifique à la thalassothérapie (X 50-844).

crédit photo : Château des Tourelles – Relais Thalasso

Florent DANIEL

Florent DANIEL

Manager - In Extenso TCH

Florent DANIEL est consultant en hôtellerie et tourisme depuis 2001. Il intervient auprès d’acteurs publics et privés, principalement pour des missions d’études de marchés et des réflexions stratégiques dans le champ de l’immobilier touristique : hôtels, résidences de tourisme, thalassothérapie, spas, centres de congrès, etc. Il a accompagné de nombreuses collectivités dans la réalisation d’étude stratégique sur le développement de leur parc en hébergement touristique : Grenoble, Le Havre, Rennes, Toulouse, etc. Il a développé de nombreux outils de suivi du marché hôtelier. Ayant développé le premier observatoire de la thalassothérapie en France, il est un très bon connaisseur du secteur. Basé à Nantes, il dispose d’une solide connaissance des marchés du Grand Ouest. Il intervient également partout en France ainsi qu’en Afrique et dans les territoires d’outre-mer.

Issu d’une filière générale, il est passé par l’école hôtelière de Quimper avant de reprendre des études universitaires. Il est diplômé de l’ESTHUA (Angers).