Séjour en thalasso… Une des activités les plus dynamiques du bien-être : Investissements, chiffres record, évolutions et financements.
La thalasso est une tradition médicale issue du XIXe siècle ayant essaimé le long des côtes françaises au XXe siècle. C’est aussi et surtout une activité de bien-être résiliente, capable de s’adapter, de se renouveler et de mettre les vertus de l’eau de mer au service des clients.
Investissements dans le secteur de la thalasso
L’association des univers du bien-être et de la santé se traduit aussi par des investissements dans les équipements et les services. Les instituts renouvellent plus fréquemment leurs équipements et sont à l’affût des nouveautés. On ne compte plus les équipements issus de la médecine sportive ou de la recherche médicale ayant trouvé le chemin des instituts de thalassothérapie. L’utilisation de la cryothérapie est devenue fréquente dans les centres, mais on trouve également de nombreux autres équipements du même genre. Ces équipements, peu présents dans les spas en raison de leur coût, permettent aux thalassos de se distinguer auprès de la clientèle, tout en asseyant leur expertise. Cet usage est complété par une offre de services de plus en plus large. Les cours de yoga, de méditation de pleine conscience, de sophrologie, d’aquabiking, de coaching sportif font florès.
Au-delà de l’investissement dans le produit et les services, les établissements ont également travaillé leur commercialisation pour la rendre plus efficiente. Souvent hôteliers, les exploitants des thalassos françaises ont su tirer les leçons de l’hôtellerie avec les OTA1 : de nombreuses thalassos tentent de limiter le poids des intermédiaires numériques en diversifiant leurs canaux de distribution. Il ne s’agit pas de se priver des OTA, mais de veiller à ne pas trop en dépendre et à limiter les commissions. Cette volonté est facilitée par le mouvement en cours de concentration des acteurs. Le secteur de la thalassothérapie se structure et se consolide. La montée en puissance des groupes, Thalassa et Thalazur en tête, permet de sérieusement étoffer la commercialisation des établissements et d’entretenir un rapport de force plus favorable dans les négociations avec les intermédiaires numériques.
1 Online Travel Agencies, telles que Booking, Tripadvisor, etc.
Chiffres record dans le secteur de la thalasso
Toutes ces évolutions ont permis aux centres de thalasso d’enregistrer ces dernières années des chiffres record.
Le secteur a malheureusement été aidé depuis 2011 par les événements au Maghreb – Printemps arabe, attentats en Tunisie et au Maroc, etc. – en ce qu’ils ont favorisé le retour des clientèles sur les côtes françaises. Entre 2014 et 2017, le nombre de curistes dans les centres de thalassothérapie français a progressé de 11 %, le chiffre d’affaires de 9 %. Le chiffre d’affaires par curiste, qui avait eu tendance à baisser entre 2012 et 2016 (– 14 %), est orienté à la hausse (+ 4 %) depuis 2016. On estime que les 52 centres français pèsent plus de 160 millions d’euros en chiffre d’affaires thalassothérapie, à quoi il faut rajouter les services complémentaires – hôtel, restaurant, boutiques, etc. –, ce qui double aisément le poids de l’activité.
Le chiffre d’affaires « thalasso » est en moyenne de plus de 3 millions d’euros par centre, hors dépenses annexes. Au-delà des bons résultats de fréquentation et de chiffre d’affaires, les efforts faits par les acteurs du secteur conduisent à une évolution du profil de la clientèle. On assiste notamment à :
- un rajeunissement progressif de la clientèle : quadragénaires et quinquagénaires se font plus présents dans les piscines ;
- une masculinisation progressive de la fréquentation : la tendance est timide mais bien présente. Entre 2012 et 2017, la part des hommes dans le total des curistes a gagné trois points, passant de 28 % à 31 % ;
- une réduction de la durée de séjour : le nombre de curistes venant pour un court séjour (moins de cinq jours) a augmenté de 20 % entre 2012 et 2017, quand celui des curistes venant pour plus de cinq jours a reculé de 9 %. Ces séjours plus courts permettent d’abaisser le ticket d’entrée et d’attirer une clientèle au budget plus serré. Cela entre aussi en résonance avec la tendance de fond du tourisme contemporain à la multiplication des courts séjours d’agrément. Cette réduction de la durée de séjour se traduit aussi par le recul du nombre de soins par curiste : – 10 % entre 2012 et 2017 ;
- des journées cures plus actives : le farniente a moins la cote. Les professionnels observent que la clientèle est plus active. Elle consomme davantage de services et d’activités.
Évolutions dans le secteur de la thalasso
Pour ce qui est de l’avenir, l’évolution du profil des clients devrait se poursuivre et avoir des conséquences sur les établissements. La première d’entre elles est leur montée en gamme. Auparavant, les établissements Haut de gamme étaient l’exception dans un marché plutôt tourné vers l’Economique et le Milieu de gamme.
Les équipements les plus récents sont a minima Milieu de gamme et, de plus en plus souvent, Haut de gamme. C’est notamment le cas du Thalassa Sea & Spa de Trouville, mais aussi du Relais Thalasso de Pornichet et du Radisson Blu 1835 Hôtel & Thalasso de Cannes. Même les établissements qui ne sont pas localisés sur un site exceptionnel se positionnent au moins en Milieu de gamme. Cette évolution est cohérente avec les investissements lourds qu’il faut absorber et avec la demande des clients, qui exigent davantage de services et de confort.
La montée en gamme du secteur n’est pas la seule évolution prévisible. Parmi celles à venir, on peut envisager :
- une personnalisation toujours plus accrue des soins et des services. La tendance est omniprésente dans toutes les activités de services, la thalasso ne fera pas exception. Les établissements l’ont bien compris et proposent de plus en plus souvent des soins à la carte. On peut d’ailleurs se demander jusqu’où ira cette personnalisation des cures au regard du développement des objets connectés, des applications santé et de l’émergence des outils de diagnostic immédiat ;
- une porosité accrue entre thalassothérapie et bien-être. La réduction de la durée des séjours rend de plus en plus floues les frontières entre ce qui relève de la thalasso et du bien-être.
Cette tendance est encore accentuée par une vision de la santé davantage tournée vers le capital santé, le bien vieillir et la nécessité de rester en forme : les résultats attendus sont plus diffus et l’envie de bien-être immédiat plus forte ;
- une consommation en flux de plus en plus tendus. La tendance à la réservation de plus en plus tardive devrait continuer à s’accentuer. On peut même penser qu’elle se déclinera à l’intérieur des établissements avec des applications permettant de réserver en direct un soin ou d’organiser son planning. Une complexité accrue pour les équipes en place mais une optimisation des espaces et une satisfaction accrue des clients ;
- une médicalisation plus poussée des prestations ? C’est l’une des grandes questions que se pose le secteur. Il existe aujourd’hui une demande pour des cures reposant sur des protocoles beaucoup plus médicalisés. L’offre existe à l’étranger et a, pour certains établissements, un vrai succès. La législation actuelle ne permet pas d’administrer en France certains des soins proposés dans ces établissements. Demain ? Au-delà de la complexe question légale, l’ampleur des problématiques techniques à résoudre, les investissements à consentir et les nombreuses autres barrières à lever font que ce type d’offres ne pourrait être qu’un marché de niche et pas l’avenir de la thalassothérapie.
Investisseurs financiers dans le secteur de la thalasso
Parallèlement à des évolutions liées au changement de profil des clientèles, un autre point devrait profondément changer la physionomie de l’offre : la présence accrue d’investisseurs financiers désireux de se positionner sur le secteur. Le phénomène devrait prendre de l’ampleur dans le futur. Pour les investisseurs, le secteur de la thalassothérapie présente des atouts indéniables :
- des établissements situés dans des emplacements exceptionnels : construits pour beaucoup avant la loi Littoral (1986), les centres bénéficient d’emplacements de premier ordre, avec vue mer et accès direct à la plage. Ces sites sont peu susceptibles de perdre de la valeur et, compte tenu de leur rareté, ont même de fortes chances de se renchérir ;
- une activité soutenue toute l’année : comparée à l’hôtellerie traditionnelle du littoral, la thalasso bénéficie d’un avantage appréciable, qui est la complémentarité des clientèles. Les établissements fonctionnent l’été avec la clientèle d’agrément et le reste de l’année avec les curistes. À la clé, un taux d’occupation (TO) moyen des hôtels de thalassothérapie de plus de 70 % en 2017 quand l’hôtellerie de province plafonne entre 63 % et 66 % de moyenne selon les catégories2. Une activité soutenue qui se traduit par des TO de plus de 70 % six mois par an. Qui plus est, ce niveau d’occupation élevé n’est pas obtenu en dégradant le prix moyen : il était de 186 euros HT en moyenne en 2017, nettement supérieur aux 150 euros HT et 92 euros HT de l’hôtellerie haut et milieu de gamme de province à la même période ;
- un chiffre d’affaires important : les centres de thalassothérapie font, pour beaucoup d’entre eux, des chiffres d’affaires importants, de plusieurs millions d’euros, voire dépassant la dizaine de millions. Ce niveau d’activité élevé se complète d’un résultat brut d’exploitation (RBE) confortable pour les établissements bien gérés maîtrisant leur hébergement. Une configuration – chiffre d’affaires et RBE importants – prisée des investisseurs de type fonds de gestion d’actifs diversifiés, fonds souverains, fonds de capital investissement, etc. Ces acteurs se sont montrés très actifs dans le secteur hôtelier ces dernières années et pourraient être plus présents dans la thalasso à l’avenir.
La thalassothérapie française est un secteur dynamique. Après des années difficiles, les acteurs récoltent les fruits de leur travail et de leurs investissements. Les résultats ont fortement progressé ces dernières années. Le dynamisme du secteur favorise les acteurs en place, mais il attire aussi de nouveaux investisseurs et alimente les projets : Berck, Boulogne, Fécamp, Étretat, Saint-Hilaire-de-Riez, Villefranche-sur-Mer. Tous ne verront peut-être pas le jour, mais ils traduisent le dynamisme du secteur. Bref, la thalassothérapie, plus que centenaire, entretient son capital santé.
2 Données, ainsi que les suivantes, extraites de l’Observatoire mensuel de l’hôtellerie française In Extenso Tourisme, Culture & Hôtellerie.
Florent DANIEL
Manager - In Extenso TCH
Florent DANIEL est consultant en hôtellerie et tourisme depuis 2001. Il intervient auprès d’acteurs publics et privés, principalement pour des missions d’études de marchés et des réflexions stratégiques dans le champ de l’immobilier touristique : hôtels, résidences de tourisme, thalassothérapie, spas, centres de congrès, etc. Il a accompagné de nombreuses collectivités dans la réalisation d’étude stratégique sur le développement de leur parc en hébergement touristique : Grenoble, Le Havre, Rennes, Toulouse, etc. Il a développé de nombreux outils de suivi du marché hôtelier. Ayant développé le premier observatoire de la thalassothérapie en France, il est un très bon connaisseur du secteur. Basé à Nantes, il dispose d’une solide connaissance des marchés du Grand Ouest. Il intervient également partout en France ainsi qu’en Afrique et dans les territoires d’outre-mer.
Issu d’une filière générale, il est passé par l’école hôtelière de Quimper avant de reprendre des études universitaires. Il est diplômé de l’ESTHUA (Angers).